Sur le papier, tout est nickel.
Une idée claire.
Un plan iconique en tête.
Un timing millimétré.
Et puis t’arrives sur le terrain.
Le décor rêvé ressemble à un parking d’usine.
La météo, prévue “ensoleillée”, t’offre une bonne grosse tempête.
Le client, qui voulait du naturel et du spontané, te demande finalement un truc ultra scénarisé avec dialogues écrits la veille.
Bienvenue dans la vraie vie d’un tournage.

Faire un film, c’est pas juste cadrer et poser des lumières
Quand t’allumes ta caméra, ce que tu filmes, c’est jamais exactement ce que tu avais en tête. Et c’est normal.
Parce que la vraie difficulté, ce n’est pas de sortir un beau cadre ou une belle lumière. La vraie difficulté, c’est de garder vivant ce que tu voulais raconter, même quand tout t’échappe.
C’est facile d’être créatif quand tout va bien.
Quand la lumière est douce.
Quand le décor est parfait.
Quand l’équipe est détendue.
Mais c’est quand les choses tournent mal que tu vois vraiment ce que vaut une équipe. C’est dans le vent, la pluie, les imprévus, les regards stressés autour de toi, que tu dois tenir la barre.
Pas pour sauver la journée.
Pour sauver l’intention.
Parce qu’un film, ce n’est pas une série de plans alignés.
C’est une émotion.
Un fil fragile, qu’il faut protéger contre tout ce qui pourrait le faire disparaître.

Les galères révèlent tout
Un tournage, c’est une course contre la montre.
Chaque minute coûte cher.
Chaque minute pèse sur les épaules de tout le monde.
Quand tout dérape, t’as deux choix :
-
Tu paniques, tu cherches un coupable, tu laisses la situation t’échapper.
-
Ou tu prends une grande inspiration, tu regardes ce que t’as sous la main… et tu transformes l’imprévu en solution.
Et c’est là que l’instinct et l’expérience entrent en jeu.
Tu changes ton axe.
Tu utilises cette éclaircie inattendue.
Tu captes un sourire, un geste, un silence qui n’était pas prévu au storyboard — mais qui raconte mille fois mieux l’histoire.
Parfois, le plus beau plan de ton film naît du chaos.
Parce que t’as su regarder autrement.
Parce que t’as accepté que la perfection, ce n’était pas de tout contrôler, mais de rester fidèle à ce que tu voulais transmettre.

Le vrai talent, ce n’est pas de suivre le plan. C’est de rester vivant.
Dans ce métier, il y a ceux qui savent parfaitement exécuter un brief…
Et ceux qui savent écouter ce que la réalité leur propose.
Et crois-moi : les projets qui marquent ne sont jamais ceux où tout s’est passé comme prévu.
Ils naissent dans la capacité à rebondir, à réinventer, à se mettre au service de l’émotion, pas du planning.
Ce n’est pas juste une compétence technique.
C’est une posture intérieure.
C’est accepter que filmer, c’est composer avec l’inattendu.
Pas contre lui.
Avec lui.
Et c’est là que tu vois aussi l’importance de ton équipe.
Quand les galères arrivent, il faut des gens capables :
-
de rester soudés,
-
de garder le cap,
-
de mettre leur ego de côté pour sauver le projet.
Parce que sur un plateau, quand ça tangue, tu ne peux pas te battre seul.

Ce que je retiens
Faire une vidéo, ce n’est pas juste appliquer une recette.
C’est un combat.
Pas contre le client.
Pas contre la météo.
Pas contre le temps.
Contre le découragement.
Contre l’envie de baisser les bras quand tout devient plus compliqué que prévu.
Contre le cynisme qui te murmure à l’oreille que “ça ira bien comme ça”.
Un bon film, ça ne se joue pas au nombre de technos embarquées ou au nombre de prises parfaites. Ça se joue à l’obstination de tenir l’intention jusqu’au bout, même quand tout te pousse à lâcher.